Rolleizine
A Franco-American zine for Rolleiflex and medium format lovers
Co-edited with Alexandre Martin @am_photo2rue
First issue released on July, 20 2024
100 copies, signed, 28 pages in color and bnw
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A few translations from the zine:
Interview de Janet Delaney, Berkeley, CA, octobre 2023 (traduction française)
Janet Delaney est une célèbre photographe argentique et professeure d’art de Berkeley, en Californie, qui a publié des monographies renommées sur San Francisco et New York. Nous avons voulu en savoir plus sur sa relation avec les appareils Rolleiflex.
Comment votre première expérience avec un Rolleiflex s'est-elle déroulée ?
J'ai appris la photographie au lycée à la fin des années 1960. Nous avions tous reçu des Yashicas à double objectif donc j'étais donc très à l'aise avec ce format. Pendant un certain temps, j'ai utilisé une chambre photographique, mais j'ai fini par vouloir photographier dans la foule, dans la rue. J'ai donc acheté un Rolleiflex f2.8 pour 500 dollars. Il était si beau que j'ai utilisé cet appareil pendant plus de 30 ans.
Qu'est-ce qui vous a plu dans cet appareil ?
La douceur et la qualité de la lumière capturée avec un négatif plus grand. J'ai également apprécié le fait que l'utilisation de ce format vous pousse à ralentir et comme le déclenchement est silencieux. J'avais l'habitude de me sentir invisible lorsque je prenais des photos parce que c'est si silencieux, puis mon mari a pris une photo de moi en train de prendre des photos, et j'ai réalisé que j'avais l'air assez bizarre, penchée pour regarder sur le viseur, mais je ne pense pas à moi lorsque je prends une photo. Je m'oublie, et c'est ce qu'il y a de mieux, n'est-ce pas ? J'adore disparaître dans le moment présent du viseur, où tout est réduit à ce carré de 6 x 6.
J'ai utilisé une chambre photographique sur un trépied pour ma série South of Market (Mack 2013) afin d'ajouter une certaine gravité à ce quartier populaire. J'ai également utilisé une pellicule Kodachrome dans mon appareil 35 mm pour ajouter un peu de vie au projet. Chaque appareil photo a son propre langage.
L'utilisation d'un Rolleiflex est un moyen d'organiser mes pensées sur un lieu, les images sont contenues d'une manière qui m'aide à résumer ce qui se passe où que je sois.
Lorsque j'ai utilisé mon Rollei à Paris, en 2003, tout le monde était très intéressé. Il y a un facteur de curiosité avec le Rollei qui peut attirer les gens.
J'ai beaucoup utilisé mon Rollei lorsque je visitais New York dans les années 1980. Ces photographies figurent dans Red Eye to New York (Mack 2021). Lorsque je suis dans la rue avec ce vieil appareil, j'ai parfois l'impression qu'il adoucit les interactions que j'ai avec les gens. Ils sont fascinés par l'aspect physique et la lenteur de l’acte photographique. Je photographie à partir de mon plexus solaire, il y a un sentiment de connexion, je peux les regarder dans les yeux. Les gens se sentent plus reconnus qu'avec un iPhone. Le Rollei fonctionne très bien dans une rue bondée, c'est mon endroit préféré où l'utiliser.
Quelle est votre photo Rolleiflex préférée ?
J'adore l'image, prise dans le restaurant new-yorkais, de l'homme qui trempe un sandwich dans son café. J'étais assise dans le café, dos à lui, et je photographiais mon amie pendant que nous prenions notre petit-déjeuner. Je me suis levée et je me suis retournée, si bien que mon appareil photo était sorti et prêt lorsque je l'ai vu. Je n'ai pris qu'une seule photo. La plupart du temps, je ne prends qu'une seule image, car ce que je photographie est généralement si éphémère que je n'ai pas l'occasion de prendre une deuxième photo.
Comment travaillez-vous avec le format carré ?
Certains disent que c’est difficile pour la composition, mais je n'y ai jamais réfléchi plus que ça. Je l'utilise simplement. Je fais toujours attention au premier plan et à l'arrière-plan en même temps, et je place le sujet dans son contexte. Lorsque je suis dans la rue, c'est l'ensemble de la situation qui compte, les détails de l'arrière-plan, la qualité de la lumière, ainsi qu'une connexion avec la personne ou un élément de ce qui se passe à ce moment-là. C’est impossible de s'approcher trop près avec cet appareil photo, donc j'essaie différentes perspectives. Je réponds aux moments, aux éléments. On fait de son mieux dans les secondes dont on dispose.
J'aime regarder les classiques des années 1930 à 1950. Je regarde souvent le travail de Dorothea Lange. Elle photographiait avec le format carré. Je regarde également John Gutmann, un autre photographe phénoménal qui utilisait le format carré. Il avait le don de réduire les choses à leur plus simple expression. Ces deux photographes travaillaient dans les rues de San Francisco.
Quelles limites voyez-vous à l'utilisation du Rolleiflex ?
C’est très lourd, lent et difficile à utiliser en basse lumière, mais je suis anxieuse quand je ne l'ai pas. J'ai peur de rater quelque chose, donc je supporte de le porter malgré son poids. Parfois, je ne prends pas beaucoup de photos pendant un voyage, mais il aurait été pire de ne pas l'avoir avec moi, de voir une photo et de ne pas pouvoir la prendre.
Parlez-moi des pellicules couleur.
Je photographie toujours avec des pellicules 400 ISO et je les règle sur 320, de sorte qu'elles sont légèrement surexposées, car c'est ce que préfèrent les pellicules couleur. J'utilise Kodak Portra. Je ne fais jamais de noir et blanc, je l'ai étudié religieusement avec des personnes proches d'Ansel Adams, mais dès que j'ai commencé à travailler en couleur, je ne suis jamais revenue en arrière. J'adore regarder des photos en noir et blanc, mais j'ai décidé que ce n'était pas mon langage. Ma tendance en couleur est d'essayer d'être très neutre, je ne manipule pas beaucoup la couleur. Je pense que ce que j'essaie de faire lorsque je fais des photos, c'est de faire disparaître ma main et de permettre au spectateur d'être aussi proche que possible du moment que j'ai vu. J'édite juste assez pour m'assurer que la photo représente ce que je ressens face à ce que j'ai vu.
Un conseil pour les jeunes photographes au Rolleiflex ?
Il faut être patient, il faut un peu de temps pour s'adapter au viseur, c'est assez désorientant, ralentir est l'un des dons qu'exige le Rolleiflex. J'ai l'habitude de travailler très lentement, et parfois je me dis que le résultat n'a pas vraiment d'importance parce que l'acte de prendre la photo est tellement gratifiant en lui-même, même rien n’en sort. Sur le coup, je suis heureuse de de composer et de cliquer. Le mois dernier, à New York, la majeure partie d'un rouleau est restée vierge. Je ne sais pas exactement pourquoi, mais je me souviens de chacune des images manquantes parce que j'ai regardé très attentivement dans le viseur.
Je dois aussi dire que c'est un plaisir coûteux ! L'un de mes professeurs m'a dit : "Ne pense pas au coût de la pellicule". Mais je deviens paresseuse avec le format numérique, je me retrouve à espérer que si je fais beaucoup de photos, l'une d’elles sera bonne. Je ne suis pas aussi attentive qu'avec l’argentique.
J'aime le sentiment d'aller déposer la pellicule au laboratoire pour qu'elle soit développée, puis de revenir la chercher. Il y a quelque chose de très enthousiasmant à ce sujet, "Peut-être que ce sera la bonne", vous savez, c'est romantique, peut-être.
Où développez-vous vos films et où imprimez-vous vos photos ?
Je développe mes films au Photo Lab de Berkeley et je fais mes propres tirages dans mon studio. Photo Lab est vraiment génial.
Merci beaucoup, Janet, d’avoir partagé votre longue experience du Rolleiflex avec nous!
Interview faite par Claire Maen
Livres de Janet Delaney:
South of Market, Mack, 2013
Public Matters, Mack, 2018
Red Eye to New York, Mack, 2021
Interview of Victor Bellaïch, Paris, November 2023 (English translation)
Victor Bellaïch is a Parisian photographer who repairs film cameras, particularly Rolleiflex. We were curious to hear him talk about these incredible machines.
When did you start using a Rolleiflex?
In 2000, I bought a Rolleiflex on Ebay. It worked well, but it was a bit damaged, which made me want to start repairing it.
Tell us about your experience with the Rollei?
When I was 13, I bought a small Rollei 35. It's a camera similar to the Rolleiflex in terms of settings and use, the only thing that was different was the direct viewfinder, so switching to the Rolleiflex didn't change much for me. At first, I used the Rolleiflex for family photos in color or black and white, I used it only later for more artistic photography.
What did you like about this camera?
The overall quality, it's really a very high quality camera that's easy to use, and the lenses are incredible. Of course the Planar 2.8, but also the Xenar 3.5, which looks great despite its simpler design. The Planar has a smooth, vintage look, and I find the Xenar more delicate and more modern.
What limitations do you perceive with this camera?
There are a lot of limits with this camera, but the limits are necessary and stimulate creativity... first of all, the chest viewfinder, it's typically designed to take photos this way. It greatly influences the approach to the subject and the shot. But you need a good quality viewfinder, and generally a lot of light to get good clarity in the viewfinder. The old ones are often dark, but you can of course change them.
What can you tell me about repairing Rolleiflex?
Repairing a camera always requires reflection, understanding breakdowns that are not always easy to grasp, and above all knowing your limits. If you are stuck on a device, you must stop, think about it, and come back to it later. Put yourself in the mindset of the engineers who designed the device, and know a little about its history. 9 times out of 10, a complex or recalcitrant breakdown can be repaired by thinking it through. But there are also typical failures inherent to the camera, which you can quickly see repeating themselves with experience.
Have you been trained for this?
I'm completely self-taught in everything. I've always known how to repair, which is a taste and a gift. I've always had a great facility for fixing anything... for example, my father had a family Kodak that no longer worked and had belonged to his brother, who was handicapped. One day when I was 17, I wanted to repair it, as a symbol of what it could represent, and also out of curiosity about the image it could produce. It was a very complicated machine for me, I had no tools and no knowledge, but I managed to fix it in no time. When I showed it fully repaired to my father, I thought he'd be pleased, but he had a bitter, sad look on his face. I made a rather successful film of my whole family, then never used it again.
In reality, to be self-taught is not to learn alone, it's to understand by observation, imitation or deduction, by watching others do it or imagining how you could do it.
Are Rolleiflex machines sturdy?
Oh yes, it's extremely solid! But it's also extremely well-adjusted, so if it is hit, for example, it can malfunction. But the advantage of a completely mechanical camera is that it can always be repaired, it's extremely well built and it's one of the most ingenious brands in terms of design.
Repairing a Rolleiflex is both interesting and complicated. You have to have a clear mind, every detail counts, and the settings are fine and precise. It's complex and exciting at the same time. Photo repair has something in common with watchmaking, especially when it comes to slow speeds, like in watches or clocks...
What advice can you give us on how to take care of a Rolleiflex?
Clean it... a simple tip, but it's important to clean it regularly, with a cloth or stomething similar... don't let dust, dirt or moisture accumulate. Have it checked regularly, and tested if necessary. Gently clean lenses with an appropriate cloth or a clean Kleenex. Don't neglect filters and sun shades, which protect Rollei lenses and make for better photos.
An important point is to occasionally use your cameras without film, so you don’t leave the mechanics at rest for too long if you don't use them often... they're still mechanics that need to be used and have their parts moving. Never force a mechanism that isn't running smoothly.
What advice would you give to someone new to Rolleiflex?
Take lots of photos, miss quite a few, and read the instructions (laughs). There's no button on the Rolleiflex that doesn't serve a purpose. As for double exposure, for example, many users don't know it's possible because the button is discreetly and elegantly located. It's good to know your camera, so you can forget about it when you are shooting and concentrate on the picture.
Your favorite artists with Rolleilfex?
Richard Avedon, he inspired me a lot, he's a master portraitist in medium format. But I don't attach much importance to the photographer's camera, it's his eye that interests me.
Interview done by Alexandre Martin
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